Silence, moteur, action (et feedback)
Que faire d'un objectif inatteignable en tant que manager ? Deux grandes catégories apparaissent. Les managers qui tenteront de "vendre" cet objectif à leurs équipes et ceux qui résisteront. Je vous propose ici une troisième voie.
Contentez-vous d'agir. (Balthasar Gracían)
Silence.
Cet article au titre cinématographique se veut plus philosophique que les autres.
Je vous invite à le prendre comme une réflexion personnelle pour comprendre les possibilités d'action qu'aurait un manager pris entre le marteau, que représenterait son N+1 sourd à ses demandes, et l'enclume, matérialisée par son équipe qui ne comprendrait pas pourquoi un tel niveau d'objectif est défini au regard des moyens réels dont elle dispose.
Aussi, je ne me cacherai pas derrière les niaiseries de LinkedIn sur l'aspect collaboratif de la définition des objectifs : dans l'écrasante majorité des cas, le manager se les voit imposés par sa hiérarchie.
Cette réalité maintenant formulée, considérons que le manager, au moment de la réception des objectifs annuels, bénéficie de 3 grandes possibilités :
- Négocier avec son N+1 : le but ici étant de s'assurer que les objectifs fixés puissent être véritablement atteints au regard des moyens et ressources effectivement disponibles au sein de ses équipes. Le manager cherche donc à "calibrer" l'objectif pour faciliter son acceptation par son équipe.
- Vendre les objectifs à ses N-1 : c'est une "vente" qui peut s'avérer plus ou moins complexe selon que le manager ait réussi à négocier avec son N+1 (cf. point 1.). Certains tenteront de convaincre alors qu'ils ne le sont pas eux-mêmes, d'autres accuseront le coup en expliquant qu'ils n'ont rien pu faire.
- Pleurer : parfois ça aide...parfois seulement...
Imaginons que les points 1. et 2. n'aient malheureusement pas marché et que vous refusiez de vous laisser aller au point 3 (du moins en public), résultat des courses : le manager se retrouve avec des objectifs à atteindre, sans y croire et sans l'adhésion de ses équipes. Ce dernier point étant, bien entendu, le plus compliqué à gérer sur le long terme.
Mais alors, que faire ?
Moteur. Action.
Le contexte décrit en première partie est caractéristique d'une situation de blocage.
L'objectif général est hors de portée en ce sens qu'il ne respecte pas la nomenclature S.M.A.R.T., la hiérarchie ne veut rien entendre des besoins des équipes qui, elles-mêmes, risquent de refuser d'effectuer un travail qu'elles savent sans succès et potentiellement sans attribution de bonus ou récompenses.
Mais que peut faire le manager qui, de toute façon est autant attendu par sa direction (en termes de résultats) que par ses subordonnés (qui attendent du soutien) ?
Comme vous vous en doutez, cet article n'a pas vocation à faire pleurer dans les chaumières managériales mais donner des pistes de réflexion.
En voici déjà une :
Assez contre-intuitivement, lorsque l'objectif est inatteignable, concentrez-vous sur le moyen de l'atteindre.
Je vous ai perdu ?
C'est normal.
On reprend.
Une fois la situation sans issue établie et avérée, le manager (qui souhaite normalement rester en poste) n'a plus qu'une seule possibilité : faire. L'idée ici est d'oublier l'objectif général une fois celui-ci découpé en jalons tout en prenant le pas de recul suffisant pour comprendre et accepter que le manager n'est responsable que de la tactique d'approche et non de la stratégie générale.
Aussi, plutôt que de focaliser l’attention du groupe sur ce qui semble impossible à atteindre, l’idée est de ne se concentrer que sur la bonne réalisation des tâches et le respect des processus et leur amélioration.
Ce faisant, le manager entraîne l’équipe dans une démarche que j’appelle « le prochain pas ».
L'action a ce grand pouvoir de ralentir la réflexion, voire la rumination permanente, autant pour le manager que ses équipes. La vertu de ce comportement repose sur le fait que toute énergie mise dans un environnement l'impacte et participe à sa transformation. Et c'est précisément l'objectif (non déclaré) du manager ici : la révélation de l'impossibilité pour les équipes d'atteindre l'objectif au cours d'un processus de négociation continue. Ici, cette conversation régulière et appuyée avec le N+1 n'est pas entendue sous sa forme verbale, mais sous sa forme écrite et formelle : le rapport (la remontée, le feedback, le REX, appelez ça comme vous voulez...).
Cette ultra-rationalisation couplée à une ultra-formalisation des actions de l'équipe (les deux sont indissociables) participe à une conversation continue qui se mène sur le long terme et sert de protection potentielle au manager et à ses équipes si les foudres du management devaient s'abattre sur eux.
Amis, cela va sans dire mais c'est toujours mieux en le disant, cet article n'a pas vocation à vous monter contre votre hiérarchie. Le cadre de réflexion défini ici est strict et clair : la fixation d'un objectif non S.MA.R.T. par la direction et sa rigidité voire surdité, quant à sa modification éventuelle.
Tous les autres cas sont exclus de ce propos.
Tous mes vœux de succès.
Olivier KAMEL
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